Une nouvelle « fiche ministérielle » pour faire le point sur les destinations et sous-destinations en droit de l’urbanisme
Le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires sous l’impulsion combinée de la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) et de la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP) a publié, le 8 juillet dernier, un nouveau « Guide » sous forme de fiche ministérielle portant sur la destination des constructions en droit de l’urbanisme (1).
- Ce « Guide » entend constituer une sorte de point d’étape sur l’évolution de la règlementation applicable en la matière, notamment depuis l’intervention des décrets n°2020-78 du 31 janvier 2020 et n°2023-195 du 22 mars 2023 qui ont porté la liste des sous-destinations à 21 puis à 23, tout en lui conservant son caractère limitatif.
Pour rappel, c’est le décret n°2015-1783 du 29 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme qui avait fait passer les destinations des constructions de 9 à 5 (exploitation agricole et forestière, habitation, commerce et activités de service, équipements d’intérêt collectif et services publics, autres activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire) et créé, en outre en leur sein, 20 sous-destinations, dont le juge a indiqué qu’elles revêtaient un caractère est strictement délimité (2).
La fiche ministérielle rappelle tout d’abord que cette liste de destinations et de sous destinations a notamment pour objet :
- De définir dans les zones du PLU des règles en fonction des situations locales, concernant la destination des constructions autorisées ;
- De différencier les règles du PLU par type de constructions ;
- De procéder au contrôle du changement de destinations des constructions existantes.
Ces destinations et sous-destinations ont été définies et précisées par l’arrêté 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et les règlements des plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.
Ainsi que le rappelle le guide, l’arrêté du 10 novembre 2016 « constitue le socle règlementaire et opposable des définitions et sous-destinations ». Ainsi, les auteurs d’un document d’urbanisme ne peuvent pas édicter leurs propres définitions, même s’ils peuvent « prévoir des exemples sous forme de liste ouverte ».
Le guide rappelle également que les auteurs d’un PLU peuvent édicter des règles différenciées pour favoriser la mixité fonctionnelle : il est ainsi possible de prévoir des dispositions spécifiques de hauteur et d’emprise au sol, des ratios de stationnement, des normes relatives à la performance environnementale, des coefficients de biotope, etc.
- L’intérêt du guide réside néanmoins essentiellement dans la présentation détaillée des définitions des destinations et sous-destinations et des précisions qu’elle apporte sur un certain nombre de points, notamment s’agissant de la destination « habitation » et « commerce et activités de service »
- S’agissant de la destination « habitation», la fiche rappelle, tout d’abord, que la sous-destination « logement » intègre sans les distinguer, tous les statuts d’occupation : propriétaire (résidence principale ou secondaire), locataire, occupant à titre gratuit et tous les logements quel que soit leur mode de financement.
En effet, l’utilisation d’un logement n’est pas nécessairement connue au moment de la construction et elle peut également varier entre différents logements d’un même bâtiment et/ou évoluer au fil du temps. Le PLU n’est pas habilité à instaurer un contrôle aussi fin de l’affectation des logements.
Le guide précise cependant que dans la mesure où le pétitionnaire l’indique dans son dossier de permis de construire ou de déclaration préalable, « notamment dans la notice de présentation du projet », la destination « habitation » pourra également s’appliquer à des chambres d’hôtes ou à des meublés de tourisme :
Ce dernier point est important car la question de la destination et de la sous-destination des constructions utilisées, totalement ou partiellement, à des fins touristiques a fait l’objet de nombreuses modifications ces dernières années, suscitant de nombreuses interrogations sur le sujet(3).
La fiche technique illustre cette difficulté en faisant état de la possibilité d’appliquer, selon les cas, la sous-destination « logement » ou la sous-destination « autres hébergement touristiques » à des chambres d’hôtes ou à des meublés de tourisme.
S’agissant des chambres d’hôtes, au sens des articles L. 324-3 et D. 324-13 du code du tourisme, la règle est que la création limitée à 5 chambres pour une capacité maximale de 15 personnes et où l’accueil est assuré par l’habitant, pourra être réalisée dans le cadre de la destination (« habitation ») et de la sous-destination (« logement ») existantes.
Il en ira de même des meublés de tourisme dès lors que ceux-ci sont loués moins de 120 jours par an ou qu’ils comportent au moins trois prestations hôtelières parmi les prestations suivantes : petit-déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison et réception, même non personnalisée de la clientèle (4).
A l’inverse, une construction disposant de plus de 5 chambres d’hôtes ou permettant d’accueillir plus de 15 personnes ou un meublé touristique accueillant de la clientèle plus de 120 jours par an ou comportant plus de 3 prestations hôtelières parmi celles précitées devront être déclarés comme relevant de la destination « commerce et activités de service » et de la sous-destination « autres hébergements touristiques » et, le cas échéant, faire l’objet des autorisations (changement de destination) correspondantes.
Il convient également de relever la spécificité des résidences hôtelières à vocation sociale (RVHS) mentionnées à l’article L. 631-11 du code de la construction et de l’habitation qui, au regard des nouvelles sous-destinations introduites par le décret du 31 janvier 2020(5), sont susceptibles d’être qualifiées selon une tripe sous-destination :
- la sous-destination « hébergement » au sein de la destination « habitation »,
- la sous-destinations « hôtels » au sein de la destination « commerce et activités de service ».
- la sous-destination « autres hébergements touristiques » dans cette même dernière destination.
- S’agissant de la destination « commerce et activités de service», la fiche apporte également certaines précisions concernant les activités liées à la restauration.
La sous-destination « restauration » recouvre les constructions destinées à la restauration sur place ou à emporter avec accueil d’une clientèle, mais n’inclut pas, en revanche, la restauration collective qui constitue une prestation proposée aux salariés ou usagers d’une entreprise ou d’une administration.
De même, ne constituent pas des constructions de restauration, les locaux de préparation de plats destiné à la livraison d’une clientèle ayant effectué une commande par voie télématique (Deliveroo, Uber Eats, Just Eat, etc) même s’ils disposent d’un point de retrait. Ces locaux sont, en effet, rattachés à la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire » au sein d’une sous-destination nouvellement créée par le décret du 22 mars 2023 (6) : « cuisine dédiée à la vente en ligne ».
0n se souvient que ce dernier décret est notamment intervenu afin de tenter de répondre à la problématique portant sur les « dark kitchens », ces lieux dans lesquels sont préparés des produits commandés par des clients sur internet. Un arrêté du 22 mars 2023 a complété l’arrêté du 10 novembre 2016 précité en ce sens, en précisant que « ces commandes sont soit livrées au client soit récupérées sur place ».
La sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » est à distinguer, en outre, de la sous-destination « entrepôt » (« constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l’entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d’achats au détail commandés par voie télématique, ainsi que les locaux hébergeant les centres de données ») qui intègre les locaux dédiés au stockage de produits commandés en ligne et livrés au client, également appelés les « dark stores »
Cette « répartition » a été validée par le Conseil d’Etat dans une décision du 6 mai 2024 (7).
La fiche ministérielle apporte également des indications concernant la règlementation des locaux accessoires.
En effet, après avoir rappelé le principe énoncé à l’article R. 151-29 du code de l’urbanisme, selon lequel les locaux accessoires sont réputés avoir la même destination et sous-destination que le local principal, elle s’approprie la définition du local accessoire donnée par le lexique national de l’urbanisme mise en ligne par le Cerema :
« Les locaux accessoires dépendant ou font partie intégrante d’une construction principale, à laquelle ils apportent une fonction complémentaire et indissociable. Ils peuvent recouvrir des constructions de nature très variée et être affectés à des usages divers : garage d’une habitation ou d’un bureau, atelier de réparation, entrepôt d’un commerce, remise, logement pour le personnel, lieu de vie du gardien d’un bâtiment industriel, local de stockage pour un commerce laverie d’une résidence étudiante… ».
Le guide fournit un certain nombre d’exemple de locaux accessoires : logement de pompiers au sein d’une caserne, logement des gestionnaires et chefs d’établissement au sein des établissements scolaires, logement de l’agriculteur sur le lieu l’exploitation agricole.
- Enfin, la fiche s’attache à rappeler les modalités du contrôle des changements de destinations et de sous-destinations dans le cadre de l’instruction des autorisations d’urbanisme (permis de construire, déclarations préalables, permis d’aménager).
En la matière, le régime du contrôle des changements de destinations et de sous-destinations est règlementé par les dispositions des articles R. 421-14 et R. 421-17 du code de l’urbanisme qui soumettent à permis de construire les changements de destination ou de sous-destination lorsque ce changement est accompagné de travaux modifiant les structures porteuses ou la façade de l’immeuble (art. R. 421-14) et à déclaration préalable les autres changements de destination (art. R. 421-17).
L’article R. 421-17 précise néanmoins que « le contrôle des changements de destination ne porte pas sur les changements entre sous-destinations d’une même destination prévues à l’article R. 151-28 ». Dans le cas d’un changement de sous-destinations à l’intérieur d’une même destination, aucune autorisation n’a dès lors à être sollicitée.
Le cabinet vous accompagne dans vos projet nécessitant un changement de destination.
Cédric RAUX, Avocat, responsable du Pôle Urbanisme
Marine BAUDRY, Avocate Associée
1. « Evolution de la règlementation applicable aux destinations de constructions dans les PLU(i) », DGALN/DHUP, 08 juillet 2024.
2. « que s’il est loisible aux auteurs des plans locaux d’urbanisme de préciser, pour des motifs d’urbanisme et sous le contrôle du juge, le contenu des catégories énumérées à l’article R. 123-9, les dispositions de cet article ne leur permettent, toutefois, ni de créer de nouvelles catégories de destination pour lesquelles seraient prévues des règles spécifiques, ni de soumettre certains des locaux relevant de l’une des catégories qu’il énumère aux règles applicables à une autre catégorie » (CE, 9ème / 10ème SSR, 30 décembre 2014, Groupe Patrice Pichet, req. n° 360850 : mentionné dans les tables du recueil Lebon).
3. Sur le sujet, voir par exemple : M. Raunet, « La location meublée touristique, la grande oubliée du droit de l’urbanisme », Le Moniteur, 8 juillet 2023.
4. Sur ce point, la fiche ministérielle est plus elliptique en renvoyant aux informations contenues dans le Guide pratique de la règlementation des meublés de tourisme à destination des communes, édité par le ministère du Logement en janvier 2022.
5. Décret n° 2020-78 du 31 janvier 2020 modifiant la liste des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu
6. Décret n°2023-195 du 22 mars 2023 portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu
7. CE, 6ème chambre, 6 mai 2024, société Getir France et autres, req. n° 474445.
